LES GROS PATINENT BIEN

Énergie du duo dépareillé, jubilation et absurde font le sel de ce cabaret de carton. Bouclez vos ceintures de papier !

C’est bien connu : les cartons font la joie des chats et des enfants, qui les préfèrent à tout autre jouet… mais ils régalent aussi, et c’est plus saugrenu, les comédiens ! Dans ce duo mal assorti, l’un, rondouillard et imperturbable, vit l’aventure de manière immobile ; l’autre, efflanqué, se démène comme un beau diable pour donner vie à l’histoire à la force de ses bras et de ses incroyables mimiques. Aucun mot réellement intelligible, et c’est pourtant lumineux ! Il y est question de fjords, d’ours et de sirène, dans une épopée statique narrée à la force du poignet par de simples bouts de carton détournés ou annotés, symbolisant buvette, cargo, requin, appareil photo ou encore patins à glace… Jubilation, tendresse et incongruité, ce cabaret de kraft a la candeur de l’enfance et l’acidité absurde des comédies anglaises. Après Le gros, la vache et le mainate en 2011 et Bigre en 2017, le Carré Magique retrouve un fidèle complice : Pierre Guillois, qui fait partie des fines plumes contemporaines revendiquant haut et fort l’élégance du rire. Le burlesque ne lui fait pas peur, pas plus que l’énergie du comique de situation, porté par l’irrésistible potentiel du tandem dépareillé.
Quand il retrouve Olivier Martin-Salvan, ancien comédien des Deschiens, ce sont 14 années de complicité qui remontent à la surface et débordent de la scène. Et, cerise sur le kouign-amann, Les gros patinent bien obtient le Molière 2022 du Théâtre public. Carton plein !