OMBRES PORTÉES

La grâce de l’acrobatie pour transcender le poids des non-dits, qui pèse parfois sur les épaules. L’aérien pour s’affranchir du lest légué par les aïeux…

Raphaëlle Boitel est l’une forces vives de la création circassienne contemporaine. Puisant dans l’art pictural comme dans les références cinématographiques – Stanley Kubrick, Fritz Lang ou David Lynch… –, ses créations disent, avec humanité et élégance, une tragicomédie humaine faite d’entraide, de persévérance et de résilience. Avec toute l’inventivité qu’on lui connait, l’artiste aborde cette fois le délicat sujet du non-dit au sein d’une famille. Pour se construire, la jeune K doit solliciter sa famille, pour aller chercher la vérité que son père lui refuse obstinément… Les ombres portées, ce sont ces zones obscures causées par des secrets qui nous précèdent, des silences têtus dont l’origine nous reste parfois inconnue, et dont les conséquences nous dépassent. Elles nous accompagnent malgré nous, nous précèdent ou nous survivent, en tout cas nous collent à la peau. Issus du cirque, les interprètes font appel aussi à d’autres vocabulaires, comme la danse, le théâtre, pour incarner la dramaturgie et ses rebondissements. Une scénographie tout en clair-obscur, faite de lumière rasante et sculptée, accompagne les changements émotionnels des personnages. En écho, les nappes musicales composées avec sagacité par un complice de longue date, Arthur Bison, soulignent les indicibles désarrois comme les passions les plus vives.

Le cirque de Raphaëlle Boitel est un condensé de nos états d’êtres humains, fragiles toujours, mais vivants, bien vivants.